Depuis que le mot « précocité » a été confirmé, on essaye bon an mal an de prendre nos marques, de nous (ré)adapter. C’est parfois simple, parfois compliqué. Le quotidien se teinte de pois et de rayures. J’aimerai affirmer que tout va bien, qu’elle va bien et que nous allons bien. Mais pour être tout à fait honnête, nous rencontrons pas mal de cailloux sur notre chemin. Ce qui cabosse un peu la route.
Quand nous avons abordé la question de sa scolarité, de ses envies et surtout de ses besoins avec le corps enseignant, nous avons été rassuré. Sensation d’être compris, entendu et soutenu. Les choses allaient bouger. Pour son bien. J’en étais convaincue. En tout cas, j’y ai cru.
Nous avons pensé avec l’institutrice de Théa qu’il fallait lui proposer des « enrichissements ». C’est à dire, des travaux en plus, de son niveau, qui la stimulerait et nourrirait son besoin de savoir. Etant novice (et un peu fébrile) dans le domaine de la précocité, je me suis dit que c’était un bon début, que ma fille serait contente de faire des petites choses en plus, comme elle aime le faire à la maison, en autodidacte. Sauf que….
Sauf que ça a pris du temps. Suffisamment longtemps pour que ma Zébrelle se sente incomprise et délaissée. C’était clair pour elle (comme pour moi), maintenant que les choses avaient été posées, dites et confirmées, les adultes autour d’elle allaient enfin l’aider, la soutenir, la stimuler.
Les semaines sont passées, sans petits « trucs » en plus à faire. Les mois sont passés. Rien n’est arrivé. Pas de plus. Beaucoup de moins. Parce qu’elle est comme ça ma Zébrelle. Si elle se sent aimée et soutenue, elle donne tout. Sans réserve. Mais si elle se sent mise sur le côté, elle lâche et perd confiance. En elle mais dans les autres aussi.
J’ai vu ce virage s’amorcer. J’ai senti que ça ne bougeait pas et pire encore, que ma fille ne s’investissait plus à l’école. Elle a alors commencé à moins bien travailler, à faire des fautes idiotes, pour se faire remarquer. Puis elle a pris de plus en plus son temps pour faire ses exercices, quitte à être à la traîne. Pourquoi se mettre à son rythme de croisière, aussi rapide soit-il, si l’école ne lui propose rien derrière ? Son raisonnement n’était pas dénué de sens. Puis, aller vite, même si c’est naturel, ça provoque des railleries des copains. Ça rafle le coeur.
Mon instant de mère louve (ou poule, au choix) s’est réveillé, s’est alarmé même. La petite voix qui m’avait fait repousser l’échéance du test psychométrique est revenue. « Laisse le temps à l’école de mettre des choses en place », « Sois patiente, ta fille n’est pas une priorité vu qu’elle n’est pas en difficulté ».
Et c’est là que j’ai eu tort. J’aurai dû fermer le clapet de cette petite voix dès son premier murmure. J’aurai dû suivre mon instinct maternel, celui là même qui me criait à pleins poumons que les choses DEVAIENT bouger, quitte à faire reculer une montagne. Je ne me suis moi même pas fait confiance. Pas assez.
Les notes ont chuté. La motivation s’est envolée. Le mutisme est revenu. Ma Zébrelle avait encore moins de repères.
Envolé son sourire et sa naïveté. Disparu son aisance et joie de vire.
Alors avant que ça ne devienne encore plus compliqué. Avant que la chute ne soit trop grande. Avant que l »échec scolaire ne vienne déployer son spectre au dessus de Théa, je me suis mis un coup de pied aux fesses. Non je n’étais pas prétentieuse. Oui ma fille avait besoin d’aide et de soutien.
Je savais que je devrais me battre avec les institutions et leur rigidité pour faire avancer un peu les choses, mais j’avoue que j’étais loin d’imaginer ce sac de noeuds. L’école d’aujourd’hui ne veut pas de différence, mais surtout n’en a pas les moyens, ni le temps. Les instituteurs n’ont pas les ressources nécessaires pour faire du cas par cas, que ce soit dans des difficultés, des troubles ou de la précocité.
Il faut rentrer dans le moule parce que c’est plus facile au quotidien. Sauf que mon quotidien à moi, il est à pois et à rayures. Il n’est pas lisse, ni monochrome. Ma Zébrelle voit le monde comme dans un kaléidoscope. Elle voit la vie dans des milliers de teintes qui engendrent d’autres nuances. Elle cherche à comprendre le fonctionnement du kaléidoscope autant qu’elle l’utilise. Elle veut tout voir, tout savoir, tout comprendre. Il en va de son bien être. C’est comme ça. Personne ni peut rien et elle encore moins.
Evidemment, elle doit aussi comprendre et apprendre la patience. Mais cela doit il est au détriment de son épanouissement ? de son évolution ? de sa joie de vivre ? Doit elle donc être terne, mais dans le moule alors qu’elle n’a que 7 ans ?
Je veux qu’elle continue de voir le monde en couleur. Je veux qu’elle sache que les nuances aussi claires ou sombres soient elles, doivent être vues et appréciées. Je veux qu’elle trouve sa place. Simplement. Mais le carcan de l’école s’assouplira-t-il un peu pour lui faire une place ?
J’ai revu l’institutrice qui, même si elle nous freine un peu, est à l’écoute et cherche à apporter quelques solutions, malgré ses propres limites institutionnelles. Ma Zébrelle a lâché quelques mots lourds à porter : déception (de ne pas avoir être comprise dès le début), ennui (chaque jour devant son cahier de classe), frustration (de devoir ralentir pour ressembler aux autres)…
Puis mon expérience m’a apprise qu’il fallait plus compter sur soi que sur les autres malheureusement. Alors on a mis en place de nouvelles habitudes à la maison, pour étancher un peu sa soif d’apprendre. Sans me substituer à l’école, je me dois de faire ce plus qui lui manque cruellement.
Cette année, il n’y aura pas de saut de classe (question de maturité sociale parait-il, malgré un mieux être évident avec les « grands ») . Quelques « enrichissements » mais pas d’aménagements. On fait quelques raccordements de bout de ficelle… en attendant.
Je vais attendre parce que je n’ai pas le choix. Parce que je suis tributaire des institutions, des gens qui sont plus hauts. Mais comme le dit l’adage, il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas ! ;)
A Suivre…
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