La trouille

Voilà des années que j’ai ce projet dans la tête. Aujourd’hui, j’arrive à la fin de mon congé parental avec la possibilité d’ouvrir de nombreuses perspectives. Je suis chanceuse dans un sens. Je peux faire mon choix. Décider où je veux aller. Repartir avec une identité professionnelle qui me corresponde. Mais voilà, j’ai la trouille de me lancer.

Le congé parental a eu ce pouvoir merveilleux de m’apprendre à prendre le temps. Profiter des enfants, de cette parenthèse de la vie. Même si j’ai mis des mois à accepter cette nouvelle « fonction », j’ai trouvé mes marques pour ensuite m’épanouir dans ce rôle de maman au foyer.

Chaque bonne chose a une fin. La parenthèse de MAF va bientôt se refermer. Vient alors les questions : Quoi ? Où ? Comment ? et se mêle aussi les émotions : envie, excitation et… peur.

La période du congé parental est aussi enivrante que paralysante. Pendant quelques temps, on ne prend en charge que son foyer et ses enfants. On se découvre alors des compétences transversales à notre identité professionnelle première, mais cela a aussi l’effet de nous faire oublier ce dont nous sommes capables, dans le monde du travail.

Même si j’ai dû apprendre la patience, la pédagogie et autres notions indispensables à mon rôle de mère, j’ai la sensation aussi d’avoir perdu quelques capacités en cours de route.

La première qui me fait défaut, c’est la concentration. J’arrive à rester des heures sur des activités avec un de mes enfants, mais je perds vite le fil si je dois me concentrer sur un problème ou même une lecture. Je me sens alors ramollie.

Tout ceci n’est qu’une question de pratique comme me dit l’Amoureux. Je n’ai pas sollicité les mêmes compétences et aptitudes pendant 5 ans. Non pas que je sois devenue une huître, mais j’ai mis en veille mes neurones sur certains pans.

Suis-je devenue bête ? non, assurément. Dois-je revoir mes projets à la baisse ? j’aurai tendance à dire oui parce que j’ai peur.

Difficile d’échouer sur une activité Montessori avec ma fille. Mais quand est-il  d’un concours, d’un examen ou même d’un entretien ? Saurai-je me concentrer ? Arriverai-je à me « vendre » et montrer le meilleur de moi même, de mon identité professionnelle ? Je ne sais pas. Enfin si, je crois que oui, mais j’ai tellement la trouille de retourner dans le grand bain…

Ma zone de confort c’est la pataugeoire depuis 5 ans. J’ai pieds et je peux toucher chaque bord de la piscine. Pas besoin de ceinture, de brassard ou de bouée. C’est sécurisant, rassurant, facile. Une zone de confort pleine de rires et de jeux.

Pendant des années, j’ai accompagné des personnes en perte de repères, en manque de confiance pour les aider à se revaloriser, à se dynamiser, à (re)trouver une orientation professionnelle qui leur convient, dans le réaliste et le réalisable. Me voilà à leur place aujourd’hui.

Bref, mes projets se dessinent. Ils prennent même souvent vie dans mon esprit. Je m’y vois bien. Heureuse et souriante. Mais ces instants de projection sont fugaces. Viennent et reviennent inlassablement les mêmes questions : en suis capable ? Et si j’échouais ? j’ai ma famille maintenant, je ne peux plus partir tambour battant comme lorsque j’étais étudiante. La moindre de mes décisions a d’un coup une lourdeur que je ne connaissais pas avant d’être maman. Je pense à mon mari (qui pourtant me soutient à 200%), à mes enfants, mon quotidien, mon budget, ma logistique… J’ai autant de raisons et d’excuses possibles… pour ne pas me lancer. Parce que la vraie de vraie, l’inavouable que je cache sur mes lèvres tout sourire, c’est uniquement la trouille.

J’ai la trouille au ventre. Une peur bleue. et tout autre expression exprimant le noeud qui se forme en moi. Comme mon fils qui apprend à nager dans la piscine, il va falloir que j’y passe aussi ,dans le grand bain.

En fait, la trouille que j’ai, c’est de me retrouver en dehors de mon rôle de maman. Il y a tellement longtemps que j’ai enfermée cette femme dans un coin, que je ne sais pas si nous arriverons à ne refaire qu’une. C’est un peu idiot. Avoir peur de soi même !

Aujourd’hui, j’avais besoin de l’écrire noir sur blanc. Oser voir ma peur en face. Ca pique je dois l’admettre. C’est tellement plus aisé de se le dire mentalement et de ne pas le prononcer à voix haute.

Ma trouille est grande, mais pas autant que mon envie d’avancer. Alors, je vais ajouter une nouvelle maxime à me répéter chaque jour : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ». Senèque avait peut être raison après tout ?! ;) Puis je vais croire mon mari, mes amies et connaissances, qui m’ont assuré que j’étais loin d’être devenue une huître. En attendant de croire plus en moi… ;)